Post by unknown[...] je conteste ce type d'argumentation qui consiste à légitimer
n'importe quel usage en s'appuyant sur des exemples passés,
fussent-ils des meilleurs auteurs. Cela reviendrait à accepter tout
ce qui a été écrit à un moment ou un autre.
Permettez-moi d'expliquer ce point : je trouve (et je ne suis pas
seul, c'est la conception actuelle et celle que l'on m'a apprise à
l'école) que /malgré que/ est fautif. Oui, mais Proust ! me
direz-vous . Eh bien, tant pis pour Proust !
D'accord. mais expliquez, ou simplement, dites, pourquoi cet usage
est-il d'après vous fautif ?
Nous estimons que "malgré que" est une construction correcte. Bien des
prépositions, avant, après, dès, sitôt..., sont suivies tantôt d'un
groupe nominal, tantôt d'une complétive en QUE.
J'inverse l'ordre de Vos arguments, pour plus de clarté.
Nous ajoutons même, et
Post by unknowntant pis pour les foudres qui vont d'abattre sur Nous, que la plupart
des conjonctions de subordination n'existe pas parce que ce sont en
réalité des prépositions suivies d'une complétive infinitive (avant de
partir) ou d'une complétive en QUE (avant qu'il ne parte).
C'est une observation que l'on peut faire en effet. Qu'il faut faire
d'ailleurs, car elle permet souvent de se tirer d'un embarras passager.
Elle fait partie de la trousse de secours que je donne à mes élèves qui
se battent avec les conjugaisons (et sont souvent battus). Ne dites pas
"après qu'il fera, aura fait, ferait ??? beau", dites "après le beau
temps". Si vous êtes foudroyé, ce ne sera donc pas par moi. Mais vous
notez vous-même que cela ne fonctionne pas dans tous les cas. Essayez
donc avec quand, lorsque ou quoique.
Post by unknownD'accord. mais expliquez, ou simplement, dites, pourquoi cet usage
[malgré que]
est-il d'après vous fautif ?
Nous estimons que "malgré que" est une construction correcte. Bien des
prépositions, avant, après, dès, sitôt..., sont suivies tantôt d'un
groupe nominal, tantôt d'une complétive en QUE.
Voilà ce qu'en dit le Grand Robert :
REM. Ce tour, condamné par Littré et l'Académie (8e éd.), « rencontre
des adversaires irréductibles [dont Cordier] » (Brunot, la Pensée et la
Langue, p. 860). De très nombreux exemples littéraires (Sand, Daudet,
France, Barrès, Claudel, Gide, Proust, Colette, Mauriac, Romains,
Aragon, Céline, Cocteau, etc.) en sont donnés par Le Bidois, Grevisse et
Georgin (qui note : « Ce qui est plus grave, c'est de construire ce
malgré que avec un indicatif », Prose d'aujourd'hui, p. 103). Claudel
(→ Gripper, cit. 4) et Gide (ci-dessous, cit. 13) ont pris la défense de
cette construction.
Vous constatez avec moi que l'ouvrage avance dans ce domaine avec une
prudence de siouxes. Quand au TLFI, je vous laisse le soin de lire les
remarques 1 et 2 du B à ce propos.
Par ailleurs, je lis :
"Mais comme on déjeunait tard, malgré que les promeneurs commençassent à
passer dans la rue, on apportait seulement la grande tarte aux pommes
(…)"
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 343.
mais aussi :
"(…) je puis vous y signaler plusieurs fautes de français. Vous avez mis
observer pour faire observer, et malgré que. Malgré veut un régime
direct."
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 644.
Notez que Balzac ne s'embarrasse pas de scrupules dans sa condamnation.
Que voulez-vous que j'aille choisir entre des géants, moi, indigente
arpète de l'éducation nationale, fonctionnaire lambda + aux souliers
crottés d'alluvions ligériennes ?
Je vous réponds enfin. Cet usage est pour moi fautif parce qu'on me l'a
appris ainsi, que j'ai toutes les raisons de penser que les gens qui me
l'ont appris étaient plus qualifiés que moi en la matière, que certaines
de ces personnes étaient contemporaines de Proust. Et voilà, je
tressaille (discrètement) au moindre "malgré que", je l'entends dans des
bouches plébéiennes avec lesquelles je ne souhaite pas être confondues,
mais jamais dans des bouches cultivées. Et je ne vous explique pas quel
rôle joue la distinction (au sens bourdieusien du terme) dans le
langage.