Discussion:
Étymologie du mot lubin
(trop ancien pour répondre)
Jean Charles Delepine
2010-08-27 16:20:16 UTC
Permalink
Bonjour,

Dans "au clair de la lune" il est fait mention d'un aimable lubin qui
frappe chez la brune. Ce lubin est qualifié de moine dépravé un peu
partout sur le web, mais sans référence sinon circulaire.

Mais on (je) ne retrouve pas ce moine dépravé dans les dictionnaires.

Le plus proche que j'ai retrouvé, est dans le Dictionnaire étymologique
de la langue françoise, Volume 2 (1750) (p. 139)
http://books.google.fr/books?id=UoM-AAAAcAAJ&printsec=frontcover

LUBIN. Frère Lubin. Moine hypocrite qui cache un cœur de loup fous les
apparences d'un agneau. De lupinus , diminutif de lupus.

Auriez vous d'autres références qui permettent d'affirmer que cet
aimable lubin est un moine dépravé voulant battre le briquet ?

Jean Charles
Achim Bombota
2010-08-27 16:36:15 UTC
Permalink
Le 27/08/2010 18:20, Jean Charles Delepine a écrit :

Bonjour JCD
Moine hypocrite qui cache un cœur de loup fous les apparences d'un agneau.
On aura traduit _sous_ les apparences d'un agneau.
Auriez vous d'autres références qui permettent d'affirmer que cet
aimable lubin est un moine dépravé voulant battre le briquet ?
Pas de référence, mais je m'interroge sur l'expression "battre le briquet".
Qu'est-ce donc ?
Bernard Cordier
2010-08-27 16:53:12 UTC
Permalink
Post by Achim Bombota
Bonjour JCD
Moine hypocrite qui cache un cœur de loup fous les apparences d'un agneau.
On aura traduit _sous_ les apparences d'un agneau.
Auriez vous d'autres références qui permettent d'affirmer que cet
aimable lubin est un moine dépravé voulant battre le briquet ?
Pas de référence, mais je m'interroge sur l'expression "battre le
briquet". Qu'est-ce donc ?
Ne vous tâtez plus :
http://www.expressio.fr/expressions/battre-le-briquet.php
--
Bernard Cordier
Ressources STG : http://pagesperso-orange.fr/bernard.cordier
joye
2010-08-27 17:49:58 UTC
Permalink
Post by Jean Charles Delepine
Bonjour,
Dans "au clair de la lune" il est fait mention d'un aimable lubin qui
frappe chez la brune.
Intéressant. Dans la version que je connais, c'est l'aimable Harlequin
qui frappe chez la brune.
Anansi
2010-08-27 18:18:54 UTC
Permalink
Ce message pourrait être inapproprié. Cliquez pour l'afficher.
DB
2010-08-28 06:58:19 UTC
Permalink
Post by Anansi
Post by Jean Charles Delepine
Bonjour,
Dans "au clair de la lune" il est fait mention d'un aimable lubin qui
frappe chez la brune. Ce lubin est qualifié de moine dépravé un peu
partout sur le web, mais sans référence sinon circulaire.
Mais on (je) ne retrouve pas ce moine dépravé dans les dictionnaires.
Vous auriez dû consulter une anthologie poétique.
La Ballade de Frère Lubin est un poème de Clément Marot.http://books.google.fr/books?id=gFE-AAAAcAAJ&pg=PA30&dq=%22cl%C3%A9me...
Je crois que le préopinant l'avait bien vu, d'autant que la fameuse
ballade est citée dans l'article du dictionnaire auquel il renvoyait.

J'interprète plutôt sa question comme : est-ce que "lubin" était un
nom commun signifiant moine dépravé ? La réponse est non. Lubin, avec
majuscule, était toujours un nom propre, porté entre autres par un
saint évêque et donné à de nombreux villages de France. Lubin était un
nom de comédie extrêmement fréquent aux XVIIe et XVIIIe siècles, donc
à l'époque où fut composé Au Clair de la Lune. On le trouve chez
Molière et dans d'innombrables pièces, et surtout dans l'histoire
d'Annette et Lubin qui fut ultra-célèbre au XVIIIe et le prétexte à
pièces de théâtre et d'opéra.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Annette_et_Lubin
Dans cette histoire, l'aimable Lubin engrosse innocemment sa cousine
Annette.

Quand on procède à une lecture sulfureuse d'Au Clair de la Lune, je ne
suis pas sûr que la référence au frère Lubin de Marot soit dans toutes
les têtes au XVIIIe siècle, dans la mesure où tant de Lubin étaient
passés depuis. L'article du dictionnaire de Ménage paraît s'occuper
uniquement du sens ancien du frère Lubin dans la ballade de Marot ou
du frère Louvel dans le Roman de la Rose, mais n'est pas forcément
d'actualité. Du reste, il n'est pas dans l'édition originale de
Ménage, et semble plutôt correspondre à ce qu'annonce le titre de
l'édition de 1750 : "Auquel on a ajouté le Dictionnaire des Termes du
vieux François, ou Trésor des Recherches & Antiquités Gauloises &
Françoises de Borel, augmenté des mots qui y étoient oubliés, extraits
des Dictionnaires de Monet & Nicot, & des Auteurs anciens de la Langue
Françoise". Furetière, il est vrai, mentionne aussi le frère Lubin
comme un caractère de fantaisie, sans en rappeler les attributs, à
l'article "frère". Il y a bien aussi un frère Lubin dont se moque
Rabelais dans Gargantua, mais ce n'est pas pour sa lubricité.

Il me paraît donc que l'aimable Lubin d'Au Clair de la Lune n'appelle
pas nécessairement à l'esprit le "frère Lubin", mais simplement un
aimable Lubin de comédie, qui pourrait être l'innocent engrosseur de
sa cousine.
Luc Bentz
2010-08-28 08:31:41 UTC
Permalink
Post by DB
Dans cette histoire, l'aimable Lubin engrosse innocemment sa cousine
Annette.
Est-ce à cela que pensait Pierre Dac lorsqu'il disait : «De même,
celui qui a dit "aux innocents les mains pleines" s'est bien gardé de
dire de quoi étaient pleines les mains des innocents.»
--
Luc Bentz

Langue française : http://www.langue-fr.net
Faqs, CU et informations sur fllf :
http://www.langue-fr.net/spip.php?rubrique25

« C’est quand les accents graves tournent à l’aigu que les sourcils
sont en accent circonflexe. »
(Pierre Dac, Pensées.)
joye
2010-08-28 12:25:39 UTC
Permalink
Post by DB
J'interprète plutôt sa question comme : est-ce que "lubin" était un
nom commun signifiant moine dépravé ?
J'ai suvii ton lien qui m'a menée à la découverte du mot « bobelin » :

§

« Dès le XVIe siècle, Spa est en vogue, attirant les curistes avertis,
mais aussi les protestants chassés de France et d'Espagne. Devant ces
étrangers aux costumes flamboyants qui arrivent de contrées
lointaines, les habitants manifestent leur légitime stupéfaction dans
le terme qu'ils choisissent pour les caractériser : ils appellent ces
curieux personnages des bobelins. Le mot wallon boublin désigne une
personne sotte et bizarre. Puis la dérision cède pour laisser la place
au respect et à l'admiration, et les bobelins se convertissent en
nobles curistes ».

Une autre hypothèse étymologique du mot bobelin nous affirme qu’il
vient du latin bibelus, grand buveur. Quelle que soit la vérité
étymologique, la neutralité de la principauté de Liège, aux confins de
la Rhénanie et des Pays-Bas, et la tolérance et la protection de son
prince-évêque, permettent la venue de « bobelins » de toute l’Europe,
en toute sécurité, à Spa.

§

et qui me fait donc penser aux origines de huguenot, dont quelques
théories sont exprimées ici :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Huguenot
Jean Charles Delepine
2010-08-30 10:06:47 UTC
Permalink
Post by DB
Post by Anansi
Post by Jean Charles Delepine
Bonjour,
Dans "au clair de la lune" il est fait mention d'un aimable lubin qui
frappe chez la brune. Ce lubin est qualifié de moine dépravé un peu
partout sur le web, mais sans référence sinon circulaire.
Mais on (je) ne retrouve pas ce moine dépravé dans les dictionnaires.
Vous auriez dû consulter une anthologie poétique.
La Ballade de Frère Lubin est un poème de Clément Marot.http://books.google.fr/books?id=gFE-AAAAcAAJ&pg=PA30&dq=%22cl%C3%A9me...
Je crois que le préopinant l'avait bien vu, d'autant que la fameuse
ballade est citée dans l'article du dictionnaire auquel il renvoyait.
[...]
Post by DB
Il me paraît donc que l'aimable Lubin d'Au Clair de la Lune n'appelle
pas nécessairement à l'esprit le "frère Lubin", mais simplement un
aimable Lubin de comédie, qui pourrait être l'innocent engrosseur de
sa cousine.
Voilà qui me semble convainquant. Merci à tous ceux qui m'ont répondu.
Il y a des années que je n'ai plus participé à usenet, je vois avec
plaisir qu'il bouge encore.

Jean Charles
derjac
2010-08-30 12:03:33 UTC
Permalink
Post by Jean Charles Delepine
Voilà qui me semble convainquant. Merci à tous ceux qui m'ont répondu.
Il y a des années que je n'ai plus participé à usenet, je vois avec
plaisir qu'il bouge encore.
Tellement bien qu'il m'a fait sortir de ma torpeur : je ne suis pas
convaincu de la justesse de votre convainquant, participe présent, ce
qui ne semble pas être le cas ici.
Jacques
Jean Charles Delepine
2010-08-30 13:12:35 UTC
Permalink
Post by derjac
Post by Jean Charles Delepine
Voilà qui me semble convainquant. Merci à tous ceux qui m'ont répondu.
Il y a des années que je n'ai plus participé à usenet, je vois avec
plaisir qu'il bouge encore.
Tellement bien qu'il m'a fait sortir de ma torpeur : je ne suis pas
convaincu de la justesse de votre convainquant, participe présent, ce
qui ne semble pas être le cas ici.
Comme quoi j'aurais dû me fier à un doute persistant mais insuffisamment
convaincant.

Jean Charles
Anansi
2010-09-04 12:18:50 UTC
Permalink
Post by DB
Post by Anansi
Post by Jean Charles Delepine
Bonjour,
Dans "au clair de la lune" il est fait mention d'un aimable lubin
qui frappe chez la brune. Ce lubin est qualifié de moine dépravé un
peu partout sur le web, mais sans référence sinon circulaire.
Mais on (je) ne retrouve pas ce moine dépravé dans les
dictionnaires.
Vous auriez dû consulter une anthologie poétique.
La Ballade de Frère Lubin est un poème de Clément
Marot.http://books.google.fr/books?id=gFE-AAAAcAAJ&pg=PA30&dq=%22cl%C3%A9me...
Je crois que le préopinant l'avait bien vu, d'autant que la fameuse
ballade est citée dans l'article du dictionnaire auquel il renvoyait.
J'adore votre optimisme. Il y a entre le fait qu'elle soit citée et la
démarche d'aller la lire une distance dont j'ai renoncé à présumer
qu'elle fût négligeable.
Post by DB
J'interprète plutôt sa question comme : est-ce que "lubin" était un
nom commun signifiant moine dépravé ? La réponse est non. Lubin, avec
majuscule, était toujours un nom propre, porté entre autres par un
saint évêque et donné à de nombreux villages de France.
Lubin était un
nom de comédie extrêmement fréquent aux XVIIe et XVIIIe siècles, donc
à l'époque où fut composé Au Clair de la Lune. On le trouve chez
Molière et dans d'innombrables pièces, et surtout dans l'histoire
d'Annette et Lubin qui fut ultra-célèbre au XVIIIe et le prétexte à
pièces de théâtre et d'opéra.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Annette_et_Lubin
Dans cette histoire, l'aimable Lubin engrosse innocemment sa cousine
Annette.
Quand on procède à une lecture sulfureuse d'Au Clair de la Lune, je ne
suis pas sûr que la référence au frère Lubin de Marot soit dans toutes
les têtes au XVIIIe siècle, dans la mesure où tant de Lubin étaient
passés depuis. L'article du dictionnaire de Ménage paraît s'occuper
uniquement du sens ancien du frère Lubin dans la ballade de Marot ou
du frère Louvel dans le Roman de la Rose, mais n'est pas forcément
d'actualité. Du reste, il n'est pas dans l'édition originale de
Ménage, et semble plutôt correspondre à ce qu'annonce le titre de
l'édition de 1750 : "Auquel on a ajouté le Dictionnaire des Termes du
vieux François, ou Trésor des Recherches & Antiquités Gauloises &
Françoises de Borel, augmenté des mots qui y étoient oubliés, extraits
des Dictionnaires de Monet & Nicot, & des Auteurs anciens de la Langue
Françoise". Furetière, il est vrai, mentionne aussi le frère Lubin
comme un caractère de fantaisie, sans en rappeler les attributs, à
l'article "frère". Il y a bien aussi un frère Lubin dont se moque
Rabelais dans Gargantua, mais ce n'est pas pour sa lubricité.
En effet, c'est dans l'introduction et c'est plutôt l'archétype de la
science sans conscience, du dogmatique.
Post by DB
Il me paraît donc que l'aimable Lubin d'Au Clair de la Lune n'appelle
pas nécessairement à l'esprit le "frère Lubin", mais simplement un
aimable Lubin de comédie, qui pourrait être l'innocent engrosseur de
sa cousine.
J'ai cherché un peu et le Lubin du théâtre du 18e siècle est un type de
valet, reconnaissable à l'époque, même s'il n'a pas traversé les siècles
à l'égal d'un Arlequin ou d'un Pierrot. C'est un valet de comédie, un
zani, caractérisé par sa niaiserie et ses longs discours, qui joue
parfois le rôle d'un amoureux transi. On retrouve mieux le lubin d'Au
clair de la lune dans ce caractère.
Ce n'est pas l'aspect paillard qui a traversé les siècles, mais la
bêtise. On le retrouve dans le Oudin de 1610 où un frère Lubin est un
moine niais, duquel dérive un verbe lubiner qui signifie niaiser.
Dans le dictionnaire historique des argots français de Gaston Esnault,
plus récent , un lubin est un domestique.

Il est probable que c'était au 18e un nom commun, on le retrouve dans
certains livres de l'époque. Marivaux utilise un Lubin et une Lisette
dans La Seconde surprise de l'amour, comme il avait utilisé un Arlequin
et une Colombine dans La Surprise de l'amour.
Le personnage ne résiste pas au renversement de perspective qui fera
voir l'action par les yeux du valet comme chez Beaumarchais.


--- news://freenews.netfront.net/ - complaints: ***@netfront.net ---
Loading...